lundi 11 novembre 2013

The 11th hour - Où comment le skate britannique regagna ses lettres de noblesse

De la Brit-pop, de la briquette humide et des maigrelets qui roulent sur du gravier, tous les indices semblent confirmer que la vidéo The 11th Hour de Jacob Harris renoue avec le skate britannique et en reprend les motifs qui ont fait ses jours de gloire. Alors que depuis 2-3 ans Palace s'est acharné à dépecer le skate anglais de toute sa poésie déchirante à coups de mauvais gangsta rap, co-branding douteux et autres gros chavs, Jacob Harris a décidé de sonner le glas en braquant sa caméra sur des sujets de Sa Majesté qui ont un œil pour les spots, les pieds rapides et, il est fort à parier, une dentition épouvantable. C'est également avec une bouffée de fierté patriotique et une envie de sortir sa veste LeCoq que l'on peut lire le nom de Sylvain Tognelli sur la jaquette du DVD. Au demeurant, on pourrait appeler cette vidéo "la vidéo Isle", tant le line-up ressemble au team Isle.

Outre ces considérations d'ordre économique, ce qui nous intéresse ici est le fait que la 11th Hour renoue avec la tradition des meilleures vidéos Blueprint ou Landscape. En effet, c'est les joues baignées de larmes et de bières que nos journalistes ont fini le visionnage du DVD, soulagés de voir que le skate anglais pouvais toujours faire preuve de finesse. En outre, depuis une semaine les Kinks et autres Smiths résonnent en boucle dans les couloirs de nos bureaux pendant que nos chers journalistes font la queue devant la bouilloire pour se refaire un thé et adoptent des poses mélancoliques en scrutant la grisaille urbaine ambiante (et les ladies qui la peuplent).

Pub Blueprint, peu avant la chute





Quant aux performances des protagonistes, croyez-le, elles sont plus que louables. Par souci de concision et par flemme, nous nous arrêterons majoritairement sur les parts qui ont suscité le plus de "hourras" et jets de canettes à demi-pleines à travers le département audiovisuel de La Lodge.

Chris Jones nous pond sa première full part. Du fait de sa physionomie singulière, il rentre dans la catégorie des "grands steaks", fait qu'il pallie (transitif direct, sisi) en faisant un usage maitrisé du skate dans le mauvais sens, dit "switchstance". C'est tout de même une certaine gaucherie dans l’exécution de ses manœuvres techniques que nos journalistes ont souligné.

Il est à noter que les parts friends qui ponctuent cette vidéo procurent un bien être non négligeable en ces temps de disette et qu'elles sont admirablement montées sur de la Brit-pop chevrotante. On y retrouve de nombreux acteurs de la scène anglaise (dont Olly Todd) avec une joie et un plaisir proche de l'homo-érotisme.

Vient ensuite la part de Sylvain Tognelli qui s'ouvre avec la high-standard maneuver ci-bas illustrée et la voix de David Bowie. C'est boursouflé d'amour pour sa patrie qu'on ressort de cette part tellement notre représentant national semble avoir saisi les tenants et aboutissants du skateboard de rue. Sa part est parcourue d'une tension parfaite entre performance et invention, le tout filmé entre Berlin et Londres. Nos journalistes furent tellement conquis que certains d'entre eux ont même parlé de reprendre le skate. Ils sont allés finir cette discussion au pub. Close call.
High-standard maneuver


Sir Nick Jensen livre une part majoritairement constituée de lines. Il foule le pavé du bout des orteils, traverse la rue en milieu de line, exécute ses tricks avec la retenue d'un gentleman. Le point fort de cette part réside dans le fait qu'on voit Nick zigzaguer dans tous les sens; cette part fait vraiment partie de celles où l'on voit le skater vraiment skater. Plutôt que des lines ultra rapides et parfaitement orchestrées, on peut apprécier les demi-tours sur un spot, les pertes de vitesses au coin d'une rue, etc.

Enfin, c'est Tom Knox qui conclue la vidéo avec une part qui est un kaléidoscope de ce qui se fait le mieux dans le skate anglais. La dernière part est amplement méritée, aussi est-elle rythmée par de la musique qui donne envie de faire le bien sur Terre. La fin de la part prend une tournure épique où se succèdent les lines composées de hammers sur de la briquette engagée socialement. Tom Knox est un skater très agile qui a le mérite de savoir vraiment tirer profit de chaque spot, en faisant vraiment l'effort de le skater pour ce qu'il est plutôt que d'adapter son répertoire habituel à ce spot. La grande force de sa part est que les tricks qui ponctuent ses lines pourraient presque tous faire office de single, avec séquence et tout le barza.

En conclusion, c'est un message d'espoir que nous livre Jacob Harris : l'Angleterre n'a pas tout dit en terme de skate, et même si Blueprint a été prostitué pour des deniers Américains, même si Palace semble mettre en valeur avec justesse le nombre incalculables de mongoles capables d'acheter des bobs dégueulasses pour £50, il reste toujours des poètes urbains, des amoureux de la briquette et de la canette, prêts à faire claquer le planchon là où seuls de célestes clochards daigneraient s'allonger, canette en main.


jeudi 7 mars 2013

Le skateboarder, aspirant working class et mythomane invétéré

Voilà maintenant quelques années que la mode de la "work-wear" gagne de plus en plus de terrain au sein du petit monde qu'est le skateboard. Pour les incultes, ou pire encore, les gens qui s'en tamponnent les "joyeuses", la "work-wear" est une mode vestimentaire dont les adaptes portent les marques/habits dont la fonction première était de servir au travailleur manuel Américain d'antan et d'aujourd'hui, à l'éboueur, au charpentier, bref en un mot, au "col bleu". Les marques ambassadrices de ce mouvement ne sont autres que Carhartt, Dickies, Vans, etc. Ainsi, un fois paré de ces signes aisément reconnaissables, le petit skateur se retrouve investi de la même mythique qui entoure l'ouvrier Américain, et tout chétif et incapable qu'il est, il peut passer pour un gros dur auprès de ses amis. En tête de ce mouvement, nous pouvons admirer la silhouette élancée du guerrier arien et aficionado du skate switch à grand vitesse Anthony Van Engelen.



Le mouvement a récemment pris de plus en plus d'ampleur. Pour preuve de cela, Dickies s'est mis en tête de relancer une collection skate, preuve que même les non-initiés aux codes hautement subtils du skate se sont rendus compte de la chose. Au sein du monde skateboardistique, la work-wear semble avoir contaminée toutes les strates : hesh, wesh et autres gros sacs en tout genre. Jim Greco lui même, après de nombreuses années au service du pantalon slim et de la ridicule chemise à jabots, n'a pas réfléchi deux fois avant de signer un juteux contrat avec Dickies et de sauter dans un des fameux pantalons larges qui gratte de la dite marque. Nous apporterons tout de même un certaine nuance à ce propos, car certains de nos chercheurs sembleraient être en mesure de prouver que Jim Greco n'est autre qu'un pauvre tocard désespérément en quête d'attention qui se ré-invente tous les 2 ans comme une gamine de 14 ans. La phrase est au conditionnel cependant, ne nous emballons pas.


Dernier événement en date, c'est l’apparition du pantalon siglé du fameux fer à cheval dans la toute dernière part du vétéran et ex-rider de chez Chocolate, j'ai nommé Mike York. Comme quoi, tout le monde est conquis.


 "Rien de nouveau sous le soleil !!!" s'exclamera alors le skateur trentenaire qui aura déjà connu la mode du pantalon Dickies dans les années 1990. Bien heureux les simples d'esprits et autres démocrates, réjouissez vous donc que nos chers journalistes soient là pour vous éclairer. La différence avec la mode des années 90 est qu'en 2010s, le skateur se croit investi des qualités du travailleur manuel Américain dont il porte les habits.
Songez un peu, depuis ces dernières années, à toutes les vidéos, les interviews où l'on voit un skateur pro éclairé nous expliquer sa passion pour le travail manuel, la construction de tabourets, de modules en bois, etc. Dernier élément en date, l'interview des deux skateurs natifs de la East-Coast Zered Basset et Joey Pepper dans Skateboarder Magazine.


Tout y est : le titre "Men at work", la mise en page inspirée des chantiers, et la photo d'ouverture des 2 zozos en train de pêcher (la pêche étant bien entendu le loisir premier du travailleur manuel, cet heureux simple d'esprit qui maintient cependant un étroit lien avec la terre). Au demeurant, l'introduction nous parle de la particularité des skateurs de la Côte Est, allant même jusqu'à établir un parallèle avec les "blue collars" (surnom des ouvriers Américains).
Chers lecteurs, je vous prie ici de bien vouloir arrêter votre lecture, aussi difficile cela soit-il, dans le but de songer.  [...] Peut-être ce moment de questionnement, de reconsidération des choses vous amènera à la même question que nous: "Cher Skateboarder Magazine, ne seriez vous pas en train de nous prendre pour des mongoliens ? ou êtes vous débiles au point de croire aux idioties que vous racontez ?" Zered Basset ? Blue collar ? Est-ce de la merde qui obstrue vos yeux et occulte votre jugement ? Ou bien est-ce le fait que vos journalistes sont des enfants de 14 ans au quotient intellectuel égal au QI moyen du rider de chez Deathwish ?
Zered Bassett est sponsorisé depuis l'age de 12 ans ! Joey Pepper est pro depuis 15ans ! Payés à faire du skate, à s'amuser dans la rue, sans emploi du temps ni contrainte ! Vous trouvez ça "working-class" ? Hello !?
Nous noterons au passage les pantalons Dickies et Carhartt portés par ces 2 véritables héros de la classe ouvrière sur la photo. Maintenant, laissons nous aller à imaginer le même interview quelques années auparavant, lorsque Pepper était chez chez Aesthetics et Axion et que le jogging en cotton fesait loi. Vous imaginez le gugus nous parler de sa passion pour le travail manuel, le tout avec un doo-rag sur la tête ? Quelle aurait été la réaction à un tel interview ? Il est fort à parier que le lecteur moyen se serait servi de la page du magazine comme PQ un jour de diarrhée aigüe.

 



Dans la même veine, voici une interview de Jason Dill et AVE. L'interview porte sur la vidéo Alien Workshop "Manfield", dans laquelle nous découvrons un AVE en Dickies et chemise en flanelle boutonné jusqu'en haut. En outre, un vrai dur. Au cours de l'interview, Jason Dill, leader inconditionné du style de et la connerie humaine, se laisse aller à qualifier la part de "blue collar". Qu'est-ce que cela veut dire ? Que AVE, qui n'a probablement jamais eu un vrai job de sa vie est un "blue collar" parce qu'il a enfilé une chemise en jean et un Dickies ?
Scannez donc la presse skateboardistique et rendez vous compte à quel point le skateur, depuis quelques années, essaie de se poser en sorte de héros de classe ouvrière, mi red-neck, mi-homme de la nature. Les articles sur des camping-trips, les passages dans les vidéos où les mecs tirent à la carabine, les trips en Harley Davidson et même la mode du DIY. Le DIY existe depuis toujours, la seule différence est qu'il est aujourd'hui encore plus en accord avec l'image que le skateur essaie de renvoyer de lui : "Je suis un gros dur, un vrai, je fais du ciment en Dickies, même si j'ai jamais eu job de ma vie, que j'ai 24 ans et que mes parents me payent un appart en centre-ville pour que je puisse skater." La work-wear, bien inoffensive à la base, a modifié des comportements, des pratiques au sein de la communauté skate, cherchant à créer une image fictive du skateur. Jamais auparavant on ne nous a autant bassiné avec les "à cotés" du skateboard. Le skateur pro, celui qui est le plus exposé au regard de l'autre, est toujours en recherche d'authenticité, et c'est à travers ces "â cotés" qu'il peut s'affirmer auprès du public. Il semble qu'il y ait coïncidence entre l’apparition de la work-wear dans le skate et cette insistance sur ces petits "à côtés" qui nous permettent de connaître les choses les plus inutiles sur la vie de nos pros préférés. Par ailleurs, il semble que le fait d'être skateur professionnel prenne de plus en plus en compte ce qui se passe en dehors de la planche.
Nom de Dieu de merde, Transworld a quand même sorti une vidéo de 4 minutes dans sur Silas Baxter Neal et sa passion pour la pêche. Qui peut honnêtement dire qu'il est intéressé par le fait de savoir ce que ce connard peut foutre au bout de sa canne à pêche ?!

 
               
 
 


A cela on peut rajouter les fameux tabourets de Pappalardo, les boites à chaussures en bois de Joey Pepper, Max Schaaf qui sort une part dans laquelle il passe la moitié du temps à faire le jacky sur une Harley, etc.



Alors, chers leaders de marques, de magazines, skateurs pros, nous sommes des passionnés de skate, pas des mongoles. On s'intéresse à vous parce que vous faites le/du skate. On se branle de vos hobbies, de vos passions, de vos motos, etc. Certes la work-wear est une mode très esthétique mais ne soyez pas des mongoles à vous ré-inventer parce que les modes vont et viennent. L'authenticité s'est depuis bien longtemps fait la malle sur la planète Skate. Réveillez-vous, cessez de nous prendre pour des connards et arrêtez de nous vendre cette image du skateur "working-class", qui est tout sauf une réalité.

Le roll-on grind, symptôme d'une génération de feignasses

  Lylian Fev, roll-on fs crook  https://soloskatemag.com/lilian-fev-unique-relique-from-paris   Phénomène observable depuis maintenant plusi...