jeudi 7 mars 2013

Le skateboarder, aspirant working class et mythomane invétéré

Voilà maintenant quelques années que la mode de la "work-wear" gagne de plus en plus de terrain au sein du petit monde qu'est le skateboard. Pour les incultes, ou pire encore, les gens qui s'en tamponnent les "joyeuses", la "work-wear" est une mode vestimentaire dont les adaptes portent les marques/habits dont la fonction première était de servir au travailleur manuel Américain d'antan et d'aujourd'hui, à l'éboueur, au charpentier, bref en un mot, au "col bleu". Les marques ambassadrices de ce mouvement ne sont autres que Carhartt, Dickies, Vans, etc. Ainsi, un fois paré de ces signes aisément reconnaissables, le petit skateur se retrouve investi de la même mythique qui entoure l'ouvrier Américain, et tout chétif et incapable qu'il est, il peut passer pour un gros dur auprès de ses amis. En tête de ce mouvement, nous pouvons admirer la silhouette élancée du guerrier arien et aficionado du skate switch à grand vitesse Anthony Van Engelen.



Le mouvement a récemment pris de plus en plus d'ampleur. Pour preuve de cela, Dickies s'est mis en tête de relancer une collection skate, preuve que même les non-initiés aux codes hautement subtils du skate se sont rendus compte de la chose. Au sein du monde skateboardistique, la work-wear semble avoir contaminée toutes les strates : hesh, wesh et autres gros sacs en tout genre. Jim Greco lui même, après de nombreuses années au service du pantalon slim et de la ridicule chemise à jabots, n'a pas réfléchi deux fois avant de signer un juteux contrat avec Dickies et de sauter dans un des fameux pantalons larges qui gratte de la dite marque. Nous apporterons tout de même un certaine nuance à ce propos, car certains de nos chercheurs sembleraient être en mesure de prouver que Jim Greco n'est autre qu'un pauvre tocard désespérément en quête d'attention qui se ré-invente tous les 2 ans comme une gamine de 14 ans. La phrase est au conditionnel cependant, ne nous emballons pas.


Dernier événement en date, c'est l’apparition du pantalon siglé du fameux fer à cheval dans la toute dernière part du vétéran et ex-rider de chez Chocolate, j'ai nommé Mike York. Comme quoi, tout le monde est conquis.


 "Rien de nouveau sous le soleil !!!" s'exclamera alors le skateur trentenaire qui aura déjà connu la mode du pantalon Dickies dans les années 1990. Bien heureux les simples d'esprits et autres démocrates, réjouissez vous donc que nos chers journalistes soient là pour vous éclairer. La différence avec la mode des années 90 est qu'en 2010s, le skateur se croit investi des qualités du travailleur manuel Américain dont il porte les habits.
Songez un peu, depuis ces dernières années, à toutes les vidéos, les interviews où l'on voit un skateur pro éclairé nous expliquer sa passion pour le travail manuel, la construction de tabourets, de modules en bois, etc. Dernier élément en date, l'interview des deux skateurs natifs de la East-Coast Zered Basset et Joey Pepper dans Skateboarder Magazine.


Tout y est : le titre "Men at work", la mise en page inspirée des chantiers, et la photo d'ouverture des 2 zozos en train de pêcher (la pêche étant bien entendu le loisir premier du travailleur manuel, cet heureux simple d'esprit qui maintient cependant un étroit lien avec la terre). Au demeurant, l'introduction nous parle de la particularité des skateurs de la Côte Est, allant même jusqu'à établir un parallèle avec les "blue collars" (surnom des ouvriers Américains).
Chers lecteurs, je vous prie ici de bien vouloir arrêter votre lecture, aussi difficile cela soit-il, dans le but de songer.  [...] Peut-être ce moment de questionnement, de reconsidération des choses vous amènera à la même question que nous: "Cher Skateboarder Magazine, ne seriez vous pas en train de nous prendre pour des mongoliens ? ou êtes vous débiles au point de croire aux idioties que vous racontez ?" Zered Basset ? Blue collar ? Est-ce de la merde qui obstrue vos yeux et occulte votre jugement ? Ou bien est-ce le fait que vos journalistes sont des enfants de 14 ans au quotient intellectuel égal au QI moyen du rider de chez Deathwish ?
Zered Bassett est sponsorisé depuis l'age de 12 ans ! Joey Pepper est pro depuis 15ans ! Payés à faire du skate, à s'amuser dans la rue, sans emploi du temps ni contrainte ! Vous trouvez ça "working-class" ? Hello !?
Nous noterons au passage les pantalons Dickies et Carhartt portés par ces 2 véritables héros de la classe ouvrière sur la photo. Maintenant, laissons nous aller à imaginer le même interview quelques années auparavant, lorsque Pepper était chez chez Aesthetics et Axion et que le jogging en cotton fesait loi. Vous imaginez le gugus nous parler de sa passion pour le travail manuel, le tout avec un doo-rag sur la tête ? Quelle aurait été la réaction à un tel interview ? Il est fort à parier que le lecteur moyen se serait servi de la page du magazine comme PQ un jour de diarrhée aigüe.

 



Dans la même veine, voici une interview de Jason Dill et AVE. L'interview porte sur la vidéo Alien Workshop "Manfield", dans laquelle nous découvrons un AVE en Dickies et chemise en flanelle boutonné jusqu'en haut. En outre, un vrai dur. Au cours de l'interview, Jason Dill, leader inconditionné du style de et la connerie humaine, se laisse aller à qualifier la part de "blue collar". Qu'est-ce que cela veut dire ? Que AVE, qui n'a probablement jamais eu un vrai job de sa vie est un "blue collar" parce qu'il a enfilé une chemise en jean et un Dickies ?
Scannez donc la presse skateboardistique et rendez vous compte à quel point le skateur, depuis quelques années, essaie de se poser en sorte de héros de classe ouvrière, mi red-neck, mi-homme de la nature. Les articles sur des camping-trips, les passages dans les vidéos où les mecs tirent à la carabine, les trips en Harley Davidson et même la mode du DIY. Le DIY existe depuis toujours, la seule différence est qu'il est aujourd'hui encore plus en accord avec l'image que le skateur essaie de renvoyer de lui : "Je suis un gros dur, un vrai, je fais du ciment en Dickies, même si j'ai jamais eu job de ma vie, que j'ai 24 ans et que mes parents me payent un appart en centre-ville pour que je puisse skater." La work-wear, bien inoffensive à la base, a modifié des comportements, des pratiques au sein de la communauté skate, cherchant à créer une image fictive du skateur. Jamais auparavant on ne nous a autant bassiné avec les "à cotés" du skateboard. Le skateur pro, celui qui est le plus exposé au regard de l'autre, est toujours en recherche d'authenticité, et c'est à travers ces "â cotés" qu'il peut s'affirmer auprès du public. Il semble qu'il y ait coïncidence entre l’apparition de la work-wear dans le skate et cette insistance sur ces petits "à côtés" qui nous permettent de connaître les choses les plus inutiles sur la vie de nos pros préférés. Par ailleurs, il semble que le fait d'être skateur professionnel prenne de plus en plus en compte ce qui se passe en dehors de la planche.
Nom de Dieu de merde, Transworld a quand même sorti une vidéo de 4 minutes dans sur Silas Baxter Neal et sa passion pour la pêche. Qui peut honnêtement dire qu'il est intéressé par le fait de savoir ce que ce connard peut foutre au bout de sa canne à pêche ?!

 
               
 
 


A cela on peut rajouter les fameux tabourets de Pappalardo, les boites à chaussures en bois de Joey Pepper, Max Schaaf qui sort une part dans laquelle il passe la moitié du temps à faire le jacky sur une Harley, etc.



Alors, chers leaders de marques, de magazines, skateurs pros, nous sommes des passionnés de skate, pas des mongoles. On s'intéresse à vous parce que vous faites le/du skate. On se branle de vos hobbies, de vos passions, de vos motos, etc. Certes la work-wear est une mode très esthétique mais ne soyez pas des mongoles à vous ré-inventer parce que les modes vont et viennent. L'authenticité s'est depuis bien longtemps fait la malle sur la planète Skate. Réveillez-vous, cessez de nous prendre pour des connards et arrêtez de nous vendre cette image du skateur "working-class", qui est tout sauf une réalité.

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